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Ce que dit l'appel récent de l'ONU sur les pics de chaleur extrême - et les menaces qu'ils font peser sur les travailleuses et travailleurs


[26 juillet 2024] Le Secrétaire général de l’ONU vient de lancer un appel à l’action pour faire face aux pics de chaleur extrême. En voici les principaux enseignements concernant l’impact sur les conditions de travail.


Pics de chaleur extrême : où en est-on ?


L’accroissement de la fréquence et de l'intensité des pics de chaleur extrême est une des conséquences majeures du réchauffement climatique, et pose des défis sans précédent à l’ensemble des sociétés à travers le monde. Selon l'ONU, ces vagues de chaleur ont été à l'origine de près d'un demi-million de décès prématurés chaque année entre 2000 et 2019, dont environ un tiers en Europe.


Selon le GIEC, l’Amérique centrale et du Sud, l’Europe du Sud, l’Asie du Sud et du Sud-Est et l’Afrique seront les plus touchés par le changement climatique en termes de mortalité liée à la chaleur d’ici 2100. Un épisode de chaleur extrême qui se serait produit une fois tous les 50 ans dans un climat sans influence humaine est désormais près de cinq fois plus probable avec le réchauffement actuel de +1,1°C. Un tel événement devrait être près de 9 fois plus probable en dessous de +1,5°C et 14 fois plus probable en dessous de +2°C, entraînant des niveaux de chaleur et d’humidité bien plus dangereux. Les politiques d’atténuation du réchauffement climatique actuel nous mènent vers un réchauffement de +2,8°C d’ici la fin du siècle.


Pour donner un ordre d’idée, l'UNICEF estime que d'ici 2050, presque tous les enfants de moins de 18 ans dans le monde - près de 2,2 milliards - seront exposés à une fréquence élevée de vagues de chaleur du fait du réchauffement climatique, contre seulement 24 % des enfants en 2020.


Les personnes les plus pauvres, les migrants, les personnes sans domicile, les très jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées, les femmes enceintes, les personnes souffrant de comorbidités et les travailleurs extérieurs sont particulièrement à risque.

L’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces pics de chaleur pose des problèmes gravissimes pour la production agricole, le bon fonctionnement des systèmes de santé, les infrastructures, aggrave les inégalités, met en danger notre approvisionnement en électricité, accroît les besoins d’aide humanitaire, entraîne des pertes économiques importantes et dégrade fortement les conditions de travail.


Focus sur l’impact sur les travailleuses et travailleurs


Dans son appel, l’ONU fait un état des lieux des connaissances sur l’impact des pics de chaleur extrêmes sur les travailleuses et travailleurs.


Une exposition aiguë et prolongée à une chaleur excessive provoque un stress thermique sur le corps, exacerbe les maladies sous-jacentes et peut augmenter le risque d'accidents, de complications pendant la grossesse et l'accouchement, ainsi que de transmission de certaines maladies infectieuses. Par exemple, un stress thermique non résolu peut entraîner un coup de chaleur, une urgence médicale potentiellement mortelle. On estime que plus de 22,85 millions d’accidents du travail surviennent dans le monde en raison d’une chaleur excessive. De plus, une exposition prolongée à un stress thermique excessif peut entraîner des maladies avec de longues périodes de latence, comme une maladie rénale chronique. À titre d’exemple, en 2020, 26,2 millions de personnes dans le monde souffraient d'une maladie rénale chronique attribuable au stress thermique au travail. Travailler dans une chaleur excessive a également des impacts graves sur la santé mentale.


Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), plus de 70 % de la main-d'œuvre mondiale - soit 2,4 milliards de personnes - sont désormais à haut risque de chaleur extrême, entraînant 22,85 millions de blessures et 18 970 décès annuels parmi les travailleurs. Les travailleurs en Afrique, dans les États arabes, en Asie et dans la région Asie-Pacifique sont les plus exposés.


Les températures quotidiennes dépassant les 34°C réduisent la productivité du travail de 50 %. En 1995, les pertes économiques dues au stress thermique au travail s'élevaient à 280 milliards de dollars. En 2022, ces pertes se sont élevées à 863 milliards de dollars. Ces pertes devraient atteindre 2 400 milliards de dollars américains en 2030, l’équivalent de 2,2 % du total des heures de travail dans le monde, ou 80 millions d'emplois à temps plein.


Un besoin urgent de politiques publiques pour y faire face


L’ONU pointe que dans le monde, les mesures visant à protéger les travailleurs contre la chaleur extrême sont à ce stade largement insuffisantes.


Des mesures judicieuses en matière de sécurité et de santé au travail pourraient permettre de protéger 3,5 milliards de personnes supplémentaires exposées au risque de chaleur d'ici 2050 et d'économiser 361 milliards de dollars par an dans le monde, selon l'OIT. Le rapport souligne que des systèmes d'alerte précoce, des horaires de travail adaptés, des systèmes de refroidissement passifs dans les bâtiments et l'utilisation de systèmes de climatisation efficaces sont essentiels pour protéger les travailleurs. Si ces mesures sont bien organisées, notamment en assurant l’usage de moyens de climatisation efficaces, cela peut aussi conduire à réduire les émissions de gaz à effet de serre et économiser de l’énergie et de l'argent.


Contrairement à une idée répandue, l'utilisation de climatiseurs efficaces est utile et légitime pour se protéger des pics de chaleur. Si ces climatiseurs sont de qualité et bien installés, ils n'entraînent pas d'émissions de gaz à effet de serre incompatibles avec la réduction rapide et d'ampleur de nos émissions de gaz à effet de serre. D’autant que ces climatiseurs peuvent aussi servir de moyens de chauffage bas-carbone et efficaces sous la forme de pompes à chaleur air-air. Des rénovations thermiques bien conçues peuvent réduire les besoins de chauffage et de refroidissement. Cela est particulièrement vrai en France, mais aussi dans les pays à faible et moyen revenu, qui sont plus exposés aux pics de chaleur extrême.


Mais ces mesures d'adaptation doivent aller de pair avec la réduction urgente des émissions de gaz à effet de serre : plus le réchauffement augmente, plus il devient difficile, coûteux et peu efficace de s'y adapter. Et au-delà de certains seuils de réchauffement, l'adaptation devient progressivement impossible. Tout ce qui conduit à réduire les émissions de gaz à effet de serre - réduire la combustion de pétrole, gaz fossile, charbon, la déforestation et l'élevage - est vital.


Bilan : les vagues de chaleur extrêmes constituent une menace critique pour la sécurité, la santé et le bien-être des travailleuses et travailleurs à l'échelle mondiale. En France, il est essentiel que le futur Plan national d’adaptation au changement climatique instaure des objectifs et des contraintes collectives claires à ce sujet. S’organiser tant collectivement qu’en tant que salariée ou salarié pour limiter drastiquement et rapidement nos émissions de gaz à effet de serre et s’adapter dans le même temps aux conséquences déjà inéluctables du changement climatique est dans l’intérêt général, et aussi dans l’intérêt particulier de toutes celles et ceux qui travaillent. 


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