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Manifeste pour Construire l'écologie

Dans un monde bouleversé par les crises environnementales, l’avenir tient à la réussite d’une  transformation écologique et énergétique rapide, efficace et socialement juste. Mais une vision claire, structurée et globale de cette bifurcation et des moyens de la réaliser peine à s’imposer en France comme en Europe, malgré les efforts de ceux et celles qui, nombreux, identifient les leviers d’action, conçoivent les infrastructures techniques, économiques, politiques requises pour réorganiser la société et faire face aux impératifs environnementaux et en premier lieu à l’urgence climatique, bâtissant pierre par pierre la cathédrale de la transformation écologique.

Le collectif Construire l’Ecologie entend les rassembler, constituer autour d’eux un observatoire des politiques publiques de transition, et proposer au monde politique des chemins de transformation à la fois radicaux et concrets.

La transformation écologique n’est pas un débat parmi d’autres. Il s’agit du premier front sur lequel se battre pour construire les modalités de notre avenir : sur quels modes de production et de distribution de la richesse, sur quel rôle de l’Etat, sur quel rapport à l’économie mondiale, sur quel équilibre social reposera notre avenir ? La crise climatique et l’effondrement de la biodiversité nous contraignent à des choix parfois douloureux, mais dont la grande majorité de la population, en particulier ceux et celles qui ont pâti de l’ordre économique des dernières décennies, peut bénéficier. Il est temps de faire de ces groupes sociaux les acteurs et les gagnants de la transformation écologique, et de bâtir en conséquence les politiques publiques qui conduiront à un nouveau compromis social.

Porter un regard lucide sur la transformation oblige à sortir de l’attentisme, des déclarations incantatoires, et des fausses promesses. L’urgence impose d’agir très rapidement sans attendre la solution parfaite, tout en construisant une réflexion et un projet de long terme qui touchent à la structure de notre société. Il ne s’agit pas seulement d’écouter la science, de faire débattre et de consulter les citoyens, ou de donner des réponses exclusivement techniques. Il s’agit souvent plutôt de trancher des dilemmes : comment trouver l’équilibre entre la réponse aux demandes de justice économique et d’emploi, et l’arrêt impératif de certains secteurs d’activité ; comment réindustrialiser le pays sans participer à la course au moins disant social ; comment bâtir la transition avec les ouvriers et les classes populaires, qui s’identifient rarement aux valeurs de l’écologie classique ; comment organiser les contraintes qu’impliquent une transition juste tout en ouvrant de nouveaux droits, à la santé et aux services publics notamment ?

Nous pensons que ces dilemmes peuvent être tranchés dans l’intérêt général, au prix d’une confrontation avec le pouvoir politique et économique que possèdent encore les acteurs de l’industrie fossile, et plus largement des secteurs insoutenables qui compromettent nos sols, nos ressources en eau, la santé et la qualité de vie. La transformation exige que l’État cesse son soutien juridique et financier à ces acteurs, s'investisse massivement auprès des secteurs de l’économie écologiquement utiles, organise une répartition juste de l’effort. Nous ne croyons pas aux visions enchantées et naïves de la transition, car les catastrophes à venir sont déjà en cours, et la transformation écologique fera des perdants. Mais nous savons que l’intérêt de la majorité se trouve du côté d’une action résolue pour construire l’écologie : faisons des vaincus d’aujourd’hui les vainqueurs de demain.

Notre réflexion et notre action se déclinent en quatre points centraux.

  • Protéger. Les politiques environnementales et climatiques doivent assurer la sécurité de tous et toutes contre les risques, et en particulier liés au dérèglement climatique et à la disparition de la biodiversité. Et ce qu’il s’agisse des risques directs des crises environnementales (feux, inondations, maladies émergentes, diminution des rendements agricoles), des risques associés à la transition elle-même (pertes d’emploi, reconversions nécessaires), ou des risques géopolitiques émergents (ingérence et bellicisme des régimes pétroliers et gaziers, déstabilisation de régions entières du monde, conflits sociaux). La protection de toute la population est un pilier central du contrat politique, elle doit être repensée pour faire de la France et de l’Europe un refuge en temps de crise, un espace où adaptation, réparation et anticipation sont au cœur de l’action publique.

  • Organiser. Le modèle économique dominant dans les dernières décennies a fait de l’Etat un acteur au service des marchés, incapable d’orchestrer des choix substantiels et de hiérarchiser les besoins. La réponse aux crises environnementales doit passer par une renaissance de la stratégie industrielle, des capacités de coordination entre institutions publiques, du contrôle des flux financiers, de l’organisation collective d’une société plus sobre. Planifier réellement l’avènement d’une société adaptée et sobre, c’est aussi reconstruire la confiance dans l’Etat, aujourd’hui au plus bas, et en faire plus que jamais le serviteur du bien commun. Être en pointe de l’export de produits de luxe ou d’aéronefs commerciaux plutôt que de rames de train, de panneaux photovoltaïque et de voitures électriques bon marché n’est pas une fatalité.

  • Redistribuer. Comme toute transformation majeure, l’économie politique de l’environnement s’accompagne d’une redistribution des cartes sociales. Or nous pensons que la justice sociale est la condition première de la réussite de la transition. Il faut que les gagnants forment une majorité, une majorité percevant et expérimentant durablement les bénéfices de la reconversion de notre économie et de nos modes de vie et que les perdants soient avant tout les responsables de cette crise, non pas dans une optique de vengeance stérile, mais parce que rendre à chacun sa part du monde implique d’empêcher une minorité de se l’accaparer. Cela implique notamment d’assurer l’accès de toutes et tous aux besoins essentiels, qui ne sont pas assurés dans notre société par ailleurs écologiquement insoutenable.

  • Apprendre. La transformation écologique demande un élargissement des connaissances scientifiques, techniques, sociologiques, économiques, elle ne doit pas signer la fin de la recherche et de la propagation des sciences. Elle est non seulement l’opportunité d’une réconciliation entre la société et les savoirs, d'une diffusion de la culture politique et civique nécessaire pour ancrer la cohésion sociale dans cette entreprise écologique, mais aussi et surtout de la continuation de la recherche de connaissances dans tous les domaines. La réponse à ces crises nécessite une politique de formation, de recherche et d’innovation technologique au service de l’avenir. La France et l’Europe doivent occuper une place de premier rang dans l’exploration de la nouvelle frontière scientifique et technique qui s’ouvre aujourd’hui.

Le collectif Construire l'Écologie s’efforcera de livrer au public une analyse précise et engagée des politiques de transition, de définir le cadre d’une transition juste et efficace, et de rassembler les forces déjà présentes pour la réussir.

Tous ceux et toutes celles qui se reconnaissent dans ces objectifs et cette méthode sont les bienvenus parmi nous pour partager leurs connaissances et faire entendre leur voix.

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