[24 avril 2024] Bonne nouvelle : selon le dernier baromètre “Sobriétés et Modes de vie” de l’ADEME [1], 83% des Français interrogés considèrent qu’ “aujourd’hui, en France, les gens consomment trop”. Mauvaise nouvelle : dans le même baromètre, seuls 28% des personnes interrogées se considèrent personnellement concernées par ces pratiques de consommation excessive.
Pourquoi ce décalage ? Peut-être en raison de la façon dont la sobriété a été promue ces dernières années.
Il existe en effet un gouffre entre l'imaginaire communément associé à la sobriété et l’approbation de politiques favorables à la mise en place de modes de vie sobre, sans parler de l’adoption effective desdits modes de vie. Le même sondage indique par exemple que celles et ceux qui disposent d’au moins deux véhicules ne sont que 46% à envisager le fait de ne posséder qu’une seule voiture. Parmi les foyers qui ne disposent que d’un véhicule, l’idée de ne plus en posséder du tout est rejetée dans 89% des cas. Parmi la majorité de personnes interrogées qui mangent de la viande plus de deux fois par semaine, 61% refuseraient d’en limiter leur consommation à deux fois par semaine. Seuls 51% de ceux qui ont actuellement recours au transport aérien accepteraient d’en limiter son usage à une fois par an, et seuls 31% envisagent de complètement l’abandonner.
Cet écart a des causes bien cartographiées par les sociologues de la consommation [2]. Les plus riches, qui ont le plus accès à ces biens, souhaitent continuer à en profiter tandis que les classes moyennes utilisent la consommation et les pratiques ostentatoires pour se démarquer des plus pauvres. Pour couronner le tout, la majorité de la population n’a pas conscience - ou n’est pas convaincue - du caractère écologiquement insoutenable de ces pratiques, alors même que le mot de sobriété s’est depuis quelques années frayé une place dans le débat public.
Un concept simple (au départ)
D’où vient cet échec à construire une conception partagée de la sobriété, échec dont on ne peut qu'espérer qu’il soit temporaire ? Si les facteurs sont sans aucun doute multiples, il est en grande partie dû au flou qui entoure ce concept - flou malheureusement entretenu par un partie de ses soutiens.
En France, si le concept de sobriété est débattu de longue date dans les cercles restreints de militants écologiques et de chercheurs [3], la notion a été massivement popularisée (et vantée) à la fin des années 2000 par l’ingénieur Jean-Marc Jancovici [4] comme l’un des trois leviers d’action indispensables pour atténuer le réchauffement climatique. Ces trois leviers sont les suivants :
La substitution d’énergies, à savoir l’usage d’une énergie peu émettrice de gaz à effet de serre à la place d’une énergie fossile. Par exemple, substituer une pompe à chaleur, alimentée avec une électricité bas-carbone, à une chaudière au gaz fossile, ou des éoliennes ou une centrale nucléaire à une centrale à charbon. Il s’agit donc d’un levier qui utilise la technologie (à bien différencier des paris technologiques : beaucoup des leviers technologiques de la décarbonation - pompes à chaleurs, voitures électriques, fours électriques - sont technologiquement tout à fait matures) pour réduire les émissions sans changer le volume d’énergie consommé [5].
L’efficacité, à savoir des techniques permettant de réduire la consommation d’énergie sans qu'elle ne nécessite un changement de comportement. Par exemple, isoler thermiquement un bâtiment à l’aide de nouveaux matériaux pour en réduire la consommation de chauffage, ou allonger la durée de vie d’un objet en l’éco-concevant.
La sobriété, à savoir des changements de comportement - qui peuvent être soit le fruit de la volonté individuelle, soit de politiques publiques incitatives ou contraignantes - permettant de réduire une consommation d’énergie (hors changements de comportement dû à la pauvreté ou au renchérissement des prix d’un service). Par exemple, réduire la température de chauffage, ou co-habiter pour réduire la surface de chauffage nécessaire par personne.
La notion de comportement mobilisée ici doit par ailleurs être mise en discussion avec les connaissances établies dans des disciplines comme la sociologie de la consommation. Un comportement est ponctuel, alors qu’une pratique est un comportement sédimentarisé, facilité par un certain nombre de déterminants (économiques, sociaux, organisationnels) du ressort des pouvoirs publics. L’objectif d’une politique de sobriété bien menée doit donc être de transformer des pratiques non-sobres en comportements sobres, puis ces comportements sobres en pratiques sobres.
Cette typologie a été largement diffusée du fait de la large audience des vidéos puis des interventions médiatiques de Jean-Marc Jancovici. En parallèle, l’association négaWatt [6] (puis l’ADEME) a mené des travaux de scénarisation énergétique prospectifs à l’époque précurseurs fondés sur la volonté d’exploiter au maximum les leviers d’efficacité et de sobriété, dont ils donnent une définition similaire [7] : “l’efficacité correspond plutôt à la performance des équipements, alors que la sobriété est liée à nos usages, à nos comportements et nos choix au quotidien”. Durant les années 2010, la sobriété a ainsi été progressivement introduite comme un des leviers indispensables pour atténuer rapidement le réchauffement climatique et mettre fin à l’effondrement de la biodiversité.
Quand des soutiens de la sobriété rendent le concept incompréhensible
A la fin des années 2010 et avec la place grandissante occupée par le changement climatique dans le débat public, la sobriété est devenu le levier d’action prioritaire face aux crises écologiques pour une grande part des militants écologistes. Des événements récents, comme la crainte d’une pénurie de gaz fossile liée à la guerre en Ukraine, ont encore accru l’attention portée aux politiques de sobriété, qui est à cette occasion entrée dans le vocabulaire politique de la majorité gouvernementale et donc dans la sphère médiatique. Mais avec cette popularité élargie, la notion a été progressivement vidée de sa substance.
Une excuse mobilisée pour s’opposer à d’autres politiques environnementales indispensables. La sobriété est souvent présentée comme étant le levier d’action majoritaire à mobiliser pour décarboner notre société et préserver la biodiversité, ce qui ne serait pas problématique si cet argument n’était pas mobilisé pour s’opposer à d’autres leviers d’action, et notamment la substitution des énergies fossiles par des énergies décarbonées : électrification des véhicules, décarbonation du chauffage individuel et industriel, etc. [8]
En effet, les politiques de sobriété représentent une part importante mais jamais majoritaire dans les trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et ceci dans tous les scénarios de transition écologique publiés en France à ce jour [9]. A titre d’exemple, dans le scénario négaWatt 2022, qui est l’un de ceux qui repose le plus sur des hypothèses de sobriété, on estime que le nombre de kilomètres parcourus en voiture individuelle diminue d’un tiers entre 2015 et 2050 [10] - ce qui représente déjà une transformation très ambitieuse. Même avec cette hypothèse pourtant maximaliste au sujet des transformations de comportement, les deux tiers restants des kilomètres actuellement parcourus en voiture doivent donc être décarbonés pour cesser de brûler des énergies fossiles.
L’exploitation de la confusion avec l’efficacité. La sobriété est trop souvent confondue avec l’efficacité : il arrive régulièrement que des politiques vantent les mérites de la sobriété citent la rénovation thermique des bâtiments comme un exemple de politique de sobriété concrète [11], alors que lesdites rénovations thermiques, par ailleurs socialement et écologiquement indispensables, n’ont rien à voir avec de la sobriété mais tout avec de l'efficacité puisqu’elles ne nécessitent pas de changement de comportement de la part des habitants des logements concernés. Ce type de confusion rend la sobriété plus facile à soutenir politiquement mais induit en erreur au sujet des changements de comportement nécessaires lors de la mise en place de politiques de sobriété, et encourage l’inaction chez celles et ceux qui sont déjà réticents à changer de comportements face aux impératifs écologiques.
Lost in translation. Le concept de sobriété tel qu’il est communément admis est rendu plus confus encore lorsqu’il est confondu avec le concept de sufficiency ou avec les politiques de "réduction des émissions des émissions de gaz à effet de serre du côté de la demande" (demand-side migitation). Le concept anglais de sufficiency est défini dans le dernier rapport du GIEC [12] [13], comme “un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui évitent la demande d'énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être humain pour tous dans les limites de la planète”. Les politiques qui visent des “réduction des émissions des émissions de gaz à effet de serre du côté de la demande”, rassemblent elles les leviers d'action liés à la sobriété, mais aussi des réductions de demande liés à des politiques d'efficacité et de substitution. Ces confusions ont abouti, suite à la publication du rapport du GIEC, à des affirmations selon lesquelles “une réduction des émissions [de gaz à effet de serre dans le monde] de 40 à 70% est possible en mettant en place une stratégie de sobriété à grande échelle" [14]. Or, il ne faut pas confondre les notions de sufficiency ou de “réduction des émissions des émissions de gaz à effet de serre du côté de la demande”, tels qu’ils sont utilisés dans le rapport du GIEC, avec celle de sobriété. Passer d’une voiture thermique à une voiture électrique de taille identique réduit la consommation d’énergie par kilomètre parcouru d’environ 60%, du fait de la meilleure efficacité intrinsèque d’un moteur électrique : l’électrification - toutes choses égales par ailleurs - des véhicules fait donc partie de la réduction des émissions des émissions de gaz à effet de serre du côté de la demande, alors que cela ne rentre évidemment pas dans l’acceptation commune de l’idée de sobriété en France.
A cela s’ajoute qu’une part importante de la population associe intuitivement à la sobriété des actions dont l’impact sur le changement climatique et la préservation de la biodiversité sont très marginaux. Tout médiateur scientifique peut témoigner que les principales idées associées à la sobriété sont généralement le tri des déchets et la réduction de la consommation de données sur son téléphone - des actions vertueuses mais dont l’impact sur le dépassement de n’importe laquelle des limites planétaires est marginal. Dans ce contexte, expliquer en s’appuyant sur une interprétation trompeuse du dernier rapport du GIEC que “la sobriété” permettrait de réduire de 40% à 70% nos émissions de gaz à effet de serre laisse croire que des changements de comportement individuels vertueux mais peu impactants ou des politiques publiques uniquement centrées sur la sobriété peuvent remplacer des politiques d'efficacité et de substitution des énergies. In fine, cela induit gravement en erreur sur l’ampleur des transformations nécessaires pour atténuer rapidement le réchauffement climatique [15].
À droite, le grand n’importe quoi. A droite et à l’extrême-droite du champ politique, tout appel à la sobriété entraîne désormais une opposition surjouée et pavlovienne sous prétexte de refus de “la décroissance”. Ce concept fourre-tout est mobilisé comme épouvantail et masque mal un refus de toute mesure un tant soit peu contraignante pour les citoyens et les entreprises [16].
Sans entrer dans un débat sur la pertinence ou non d’une politique décroissante en France, rappelons que la décroissance et la sobriété ne désignent pas les mêmes politiques. Le concept de décroissance, dans son sens le plus communément admis, désigne une politique délibérée de diminution globale de la production et de la consommation destinée à faire décroître le volume d’une économie - donc son PIB - pour réduire les impacts de cette économie sur l’environnement. Pour distinguer politiques de sobriété et politique de décroissance, observons que même dans un (autre) scénario reposant sur des hypothèses extrêmement fortes de sobriété comme le scénario S1 des travaux “Transitions 2050” de l’ADEME, une diminution de 30% de la surface moyenne des maisons individuelles neuves, de 26% des kilomètres parcourus tous modes de transport confondus et de 70% de la consommation de viande [17], n'empêche pas une croissance de l’ordre de +1% du PIB entre 2021 et 2050 [18] (certes un peu moins importante que dans un scénario “sans nouvelles politiques de décarbonation”). Une politique visant à réduire la consommation de viande est tout autant une politique “décroissante” que l’est l'interdiction de la mise sur le marché de lampes à incandescence et pour privilégier les LED - c’est à dire pas du tout [19].
La sobriété est donc dans le viseur des acteurs qui se livrent plus généralement au greenblaming [20], et cela pour exacerber artificiellement les risques économiques et sociaux que pourraient engendrer les politiques climatiques.
Que faire de la sobriété ?
Mettre en place des politiques de sobriété est un des leviers nécessaires - bien que non suffisants - pour nous mettre rapidement en sécurité écologique face au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Pour promouvoir ces politiques de sobriété, les professionnels de la transformation écologique - qu’ils soient agents territoriaux, syndicats, chercheurs, salariés du publics et du privés, militants associatifs - pourraient :
1. Utiliser le concept de sobriété avec clarté. Dans le champ de la transformation écologique, la sobriété désigne simplement les changements de comportements et de pratiques, qu’ils soient volontaires, incités ou contraints par les pouvoirs publics, qui entraînent une réduction de la consommation d’énergie, de sols ou de ressources pour atténuer leurs impacts sur l’environnement. Toutes les politiques de réduction de la consommation d’énergie, de sols ou de ressources ne sont en revanche pas des politiques de sobriété. La sobriété peut être mise en place de façon plus ou moins socialement juste, plus ou moins efficace écologiquement parlant, structurée par des normes plutôt que soumis au bon vouloir de la volonté individuelle - mais dans chacun de ces cas, il est indispensable de l’expliciter.
2. Parler moins de l’idée de sobriété, et plus des transformations qu’elle désigne. Le baromètre de l’ADEME le démontre : la plupart des français n'identifient pas encore les changements de comportement les plus utiles et efficaces pour atténuer le réchauffement climatique et préserver la biodiversité. Ils sont donc pour beaucoup favorables à l’idée de sobriété mais opposés à ses mises en application les plus efficaces. Dans ces conditions, la promotion de changements de comportement inefficaces - parmi les pratiques sobres dont l’impact environnemental est quasi inexistant, certaines impliquent une charge mentale et une perte de temps importante (comme les pratiques Do It Yourself) - sape la motivation des citoyens à mettre en place d’autres transformations.
Pour cela, il est indispensable de promouvoir dès à présent non plus l’idée vague de sobriété mais des politiques publiques concrètes. Ces politiques présentent un éventail de choix important, qui inclut des politiques incitatives (campagnes de publicité visant à inciter à la réduction de la consommation d’énergie, taxation de l’achat de véhicules lourds ou des billets d’avion, etc.), des politiques contraignantes (contrôle du respect de la température maximale de chauffage dans les bâtiments tertiaires, interdiction de la vente de véhicules individuels supérieurs à un poids donné, mise en place de quotas individuels sur l’usage de l’avion, etc.) ou des politiques d’infrastructures favorisant l’adoption de pratiques sobres (construction de réseaux de transport en commun favorisant le report modal, mise en place de stations de covoiturage, etc.). Mais quoi qu’il arrive, il est essentiel de les faire connaître, de les mettre en débat, pour créer les conditions de leur acceptabilité et de leur soutien par une majorité de la population [21].
3. Cesser d’opposer la sobriété aux autres politiques de transformation écologique, tout en rappelant son caractère indispensable. On l’a vu plus haut, aucun scénario de décarbonation en France ne fait reposer l’essentiel de la baisse des émissions de gaz à effet de serre nécessaire sur des politiques de sobriété. Il est donc important de soutenir également les actions de substitution et d’efficacité, qui représentent l’effort principal sur le plan de la décarbonation, et une part importante des leviers d’action nécessaires face aux autres limites planétaires.
Cela n’oblige pas à conclure que décarboner l’intégralité de notre économie doit reposer sur des paris technologiques incertains et dangereux - au contraire. Développer des carburants de synthèse bas carbone est indispensable, mais décarboner rapidement le transport aérien sera impossible sans réduire l’usage de l’avion. Électrifier les véhicules terrestres est écologiquement utile sur tous les plans, mais réduire en parallèle l’usage et le poids des véhicules terrestres partout où cela est possible - et en premier lieu dans les villes moyennes et grandes - est indispensable pour ne pas faire échouer cette électrification du fait d’une disponibilité insuffisante des métaux à court-terme. Changer l'alimentation du bétail peut permettre de réduire de façon limitée les émissions de méthane, mais réduire fortement les émissions liées à l'alimentation est impossible sans réduire la production et la consommation de viande. Préserver la biodiversité n’est pas possible sans réduire l’artificialisation des sols qui en est la première responsable dans le monde, réduction qui passe inéluctablement par la réduction de l’usage de nouveaux sols, et notamment des activités qui en consomment le plus, les maisons individuelles et les infrastructures de transport routières. Et tout cela sans parler des co-bénéfices importants de beaucoup de ces politiques en matière de santé et de bien-être.
4. Se concentrer sur les politiques de sobriété efficaces. La sobriété n’est pas un but en soi, et implique par nature des changement de comportement qui peuvent être plus ou moins difficiles, surtout pour les personnes les plus fragiles économiquement. La mise en place de politiques de sobriété nécessite des arbitrages entre d’un côté les difficultés, voire les privations, que ces politiques peuvent engendrer (faibles collectivement concernant l’interdiction des jets privés, fortes dans le cas de la systématisation des toilettes sèches), dont l’évaluation repose sur une vision du monde, une hiérarchie des besoins et des choix politiques, et de l’autre les bénéfices environnementaux de la mise en place de ces politiques. Il est donc essentiel de promouvoir systématiquement les politiques de sobriété les plus efficaces, de privilégier la réduction de l’usage de la voiture et de l’avion, de la maison individuelle et de la production et la consommation de viande, plutôt que, par exemple, la réduction de la consommation de données et le tri des déchets. Cela n'empêche pas non plus des politiques de sobriété qui visent à empêcher des activités peu impactantes sur l’environnement à l’échelle globale mais si visiblement écologiquement aberrantes que leur persistance marquerait des injustices insupportables (jets privés, yacht, loisirs motorisés et bruyants, panneaux publicitaires) mais rend essentiel de ne pas s’y arrêter.
Éclairer les choix
Au sein de la trinité écologique que forment substitution, efficacité et sobriété, cette dernière indique un chemin de transformation très singulier. Ce chemin est en effet très vertueux en particulier parce que ses effets peuvent être immédiats, et potentiellement importants. Mais la sobriété ne peut pas suffire, d’autant qu’en raison des incompréhensions qu’elle suscite, des sacrifices qu’elle peut demander, et du problème de répartition sociale de cet effort, son acceptation est encore aujourd’hui malheureusement trop faible, dans un monde où la majorité fait face à d’autres urgences.
Parallèlement, l’efficacité est plus aisément acceptable (à condition précisément d’être distinguée de la sobriété), mais elle a un coût économique élevé qui est celui de la modernisation des infrastructures. Et elle nous expose au risque d’effet rebond, si les gains réalisés sont engloutis par des pratiques plus gourmandes en énergie. La substitution, enfin, est la trajectoire la moins coûteuse politiquement, parce qu’elle ne demande apparemment aucun sacrifice, mais elle s’accompagne toujours du risque de créer de nouveaux impacts environnementaux, est dans certains cas trop lente pour atténuer suffisamment vite l’impact d’une activité - et peut également avoir un coût économique insupportable par la collectivité.
Il n’y a donc pas d’autre possibilité que de naviguer politiquement entre ces trois options, qui sont autant de variations autour des choix individuels et collectifs, éthiques et technologiques. Aucun de ces trois leviers, substitution, efficacité et sobriété, n’est parfait et suffisant par lui-même. Seule l’intelligence politique permet d’éclairer l’avenir - à condition que les termes du débat soient correctement posés.
Le collectif Construire l’écologie
(25/04/2024) Mise à jour : clarification de la traduction et du concept de demand-side migitation et de la différence avec le concept de sufficiency
[1] Baromètre sobriété et mode de vie - Pratiques, représentations et aspirations des Français en matière de sobriété - Rapport d’analyse. ADEME (2024).
[2] Voir par exemple les travaux de Sophie Dubuisson-Quellier.
[3] Panorama sur la notion de sobriété - Définitions, mises en œuvre, enjeux - Synthèse. ADEME (2019).
[4] Dont la mention dans un article n’implique pas un soutien inconditionnel à ses prises de position passées, présentes et futures.
[5] Pour compliquer le tout, l’électrification est généralement non seulement un levier de substitution mais aussi intrinsèquement de d’efficacité : un véhicule électrique consomme trois fois moins d’énergie finale qu’un véhicule thermique de taille et de poids identique.
[6] Dont la mention dans un article n’implique pas non plus un soutien inconditionnel à ses prises de position passées, présentes et futures.
[7] “Sobriété et efficacité énergétique”, négaWatt.
[8] Deux exemples pris au hasard : Celia Izoard. “Non, la voiture électrique n’est pas écologique”. Reporterre (2020) et Hervé Kempf, « Nucléaire ou sobriété, il faut choisir », Reporterre (2022)
[9] Que ce soient les 4 scénarios de l’ADEME “Transitions 2050”, les trois scénarios de consommation de RTE “Futurs énergétiques”, le Plan de transformation de l’économie française du Shift Projet, le scénario négaWatt 2050 de l'association négaWatt, le scénario Terrawatter de l'association les Voix du nucléaire - sans lister les autres scénarios de décarbonation existant proposés par des entreprises ou des filières industrielles, qui ne sont pas particulièrement portés sur des hypothèses fortes de sobriété.
[10] Scénario négaWatt 2022 - Le scénario en détails. négaWatt (2022).
[11] Deux autres exemples pris au hasard : “Sobriété énergétique : arrêtons les annonces indigentes !”, EELV (2022), “Comment mettre en place un plan de sobriété juste”, LFI (2022)
[12] Creutzig, F. et al,. Demand, services and social aspects of mitigation. In IPCC, 2022: Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (2022)
[13] La chercheuse Valérie Masson-Delmotte et le médiateur scientifique Rodolphe Meyer ont par ailleurs fait un sort à l’idée fausse selon laquelle les politiques de sobriété ne seraient apparues dans la première fois dans le dernier rapport du GIEC publié en 2021-2022. Masson-Delmotte V. [@valmasdel]. (2024, 11 avril). L'évaluation #GIEC des leviers d'action liés à la sobriété pour réduire les émissions de gaz à effet de serre connaît brutalement un regain d'intérêt. Quelques éléments de contexte [Tweet]. Twitter. Meyer R. [@Le_Reveilleur]. (2024, 24 janvier). Je vois une idée fausse qui se met en place comme quoi le GTIII du GIEC ne prendrait pas en compte la question de la "sobriété" ou, variante, qu'il ne s'y intéresse que depuis le 6ème rapport. [Tweet]. Twitter.
[14] Encore deux autres exemples pris au hasard : “Une réduction des émissions de 40 à 70% est possible en mettant en place une stratégie de sobriété à grande échelle” dans Comment atténuer le changement climatique ? | Synthèse vulgarisée du WGIII du 6ème rapport du GIEC. The Shifters (2022) ou “Le GIEC met en avant la « sobriété » : éviter des demandes (d’énergie, de matériaux, de terres, d’eau) tout en assurant le bien-être des personnes [...] -40% à -70% de réduction des émissions sont possibles d’ici 2050 grâce à une réduction de la demande” dans “Climat : Tout comprendre, agir ensemble !”. Réseau Action Climat (2024). Ces documents sont par ailleurs tout à fait instructifs.
[15] Leviers par ailleurs nettement plus complexes, même si on s’en tient à la seule réduction de la demande citée dans le rapport du GIEC - à ce sujet, on lira l’excellente synthèse qu’en fait Valérie Masson-Delmotte dans le thread sus-cité.
[16] Des exemples toujours pris au hasard : Céline Pina, “La crise rurale est liée à une idéologie de la décroissance”. Causeur (2024) ou Rassemblement National [@RNational_off]. (2024, 25 mars). Face à la décroissance mise en place par E. Macron et U. von der Leyen, il est temps de réaffirmer notre besoin de progrès et de croissance. [Tweet]
[17] “Les futurs en transition”. ADEME (2022)
[18] Transitions 2050 - Les effets macroéconomiques. ADEME (2022)
[18] Le concept de décroissance fait par ailleurs l’objet des mêmes confusions conceptuelles que la sobriété, avec des tentatives d’adjoindre à son sens initial des aspects qui ne sont pas intrinsèquement liés qui en modifie fortement la sens : définir la décroissance comme la “réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice qui amène à une société de post-croissance comme économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance” (Timothée Parrique, blog) et l’utiliser sur cette base ce terme dans le débat public alors que son acceptation générale est tout à fait différente, c’est compromettre toute chance d’une discussion éclairée sur des base commune.
[19] Greenblaming : la construction de l’épouvantail écologique. Construire l’écologie (2024)
[20] Un exemple pas pris au hasard : Penser la sobriété à l'horizon 2050 - une proposition pratique. Pour un réveil écologique (2023)